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Ô géranium diaphanes, guerroyeurs sortilèges,
Sacrilèges monomanes!
Emballages, dévergondages, douches! Ô pressoirs
Des vendanges des grands soirs!
Layettes aux abois,
Thyrses au fond des bois!
Transfusions, représailles,
Relevailles, compresses et l'éternelle potion,
Angelus! n'en pouvoir plus
De débâcles nuptiales! de débâcles nuptiales!...

Et puis, ô mes amours,
A moi, son tous les jours,
Ô ma petite mienne, ô ma quotidienne,
Dans mon petit intérieur,
C'est-à-dire plus jamais ailleurs!

Ô ma petite quotidienne!...

Et quoi encore? Oh du génie,
Improvisations aux insomnies!

Et puis? L'observer dans le monde,
Et songer dans les coins:

« Oh, qu'elle est loin! Oh, qu'elle est belle!
« Oh! qui est-elle? A qui est-elle?
« Oh, quelle inconnue! Oh, lui parler! Oh, l'emmener!»
(Et, en effet, à la fin du bal,
Elle me suivrait d'un air tout simplement fatal.)

Et puis l'éviter des semaines
Après lui avoir fait de la peine,
Et lui donner des rendez-vous
Et nous refaire un chez nous.

Et puis, la perdre des mois et des mois,
À ne plus reconnaître sa voix!...

Oui, le Temps salit tout,
Mais, hélas! sans en venir à bout.

Hélas! hélas! et plus la faculté d'errer,
Hypocondrie et pluie,
Et seul sous les vieux cieux,
De me faire le fou,
Le fou sans feux ni lieux
(Le pauvre fou sans amours!)
Pour, alors, tomber bien bas
À me purifier la chair,
Et exulter au petit jour
En me fuyant en chemin de fer,
Ô Belles-Lettres, ô Beaux-Arts
Ainsi qu'un Ange à part!

J'aurai passé ma vie le long des quais
À faillir m'embarquer
Dans de bien funestes histoires,
Tout cela pour l'amour
De mon cœur fou de la gloire d'amour,
Oh, qu'ils sont pittoresques les trains manqués!...

Oh, qu'ils sont «À bientôt! à bientôt!»
Les bateaux
Du bout de la jetée!...

De la jetée bien charpentée
Contre la mer,
Comme ma chair
Contre l'amour.

Jules Laforgue

1ère publication:
La Vogue  le 6 décembre 1886

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