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Spleen des nuits de juillet
Les jardins de rosiers mouillés de clair de lune
Font des rumeurs de soie, aux langueurs des jets d'eau
Ruisselant frais sur les rondeurs vertes des dos
Contournés de tritons aspergeant un Neptune.

Aux berges, sous des noirs touffus, où des citrons
Voudraient être meurtris des lunaires caresses,
Des Vierges dorment, se baignent, défont leurs tresses,
Ou par les prés, les corps au vent, dansent en rond.

D'autres, l'écume aux dents, vont déchirant leurs voiles,
Pleurant, griffant leurs corps fiévreux, pleins de
Saccageant les rosiers et mordant les gazons, frissons,
Puis, rient ainsi que des folles, vers les étoiles.

Et d'autres, sur le dos, des fleurs pour oreillers,
Râlent de petits cris d'épuisantes délices;
Sur leurs seins durs et chauds, leurs ventres et leurs cuisses,
Effeuillent en rêvant des pétales mouillés,

Des blancheur se cherchant s'agrafent puis s'implorent,
Roulant sous les buissons ensanglantés de houx
D'où montent des sanglots aigus mourants et doux,
Et des halètements irrassasiés, encore...

Ah! spleen des nuits d'été! Universel soupir,
Miséréré des vents, couchants mortels d'automne;
Depuis l'éternité ma plainte monotone
Chante le Bienaimé qui ne veut pas venir!

Ô Bienaimé! il n'est plus temps, mon cœur se crève
Et trop pour t'en vouloir, mais j'ai tant sangloté,
Vois-tu, que seul m'est doux le spleen des nuits d'été,
Des nuits longues où tout est frais, comme un grand rêve...

Jules Laforgue

1ère publication:
Revue Blanche 1er août 1895

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