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La petite infanticide
Ô saisons d'ossian, ô vent de province,
Je mourrais encor pour peu que t'y tinsses
        Mais ce serait de la démence
                    Oh! je suis blasée
                    Sur toute rosée

Le toit est crevé, l'averse qui passe
En évier public change ma paillasse,
      Il est temps que ça cesse

    Les gens d'en bas
Et les voisins se plaignent
Que leur plafond déteigne
Oh! Louis m'a promis, car je suis nubile
De me faire voir Paris la grand ville
        Un matin de la saison nouvelle
               Oh! mère qu'il me tarde
               D'avoir là ma mansarde...

Des Édens dit-il, des belles musiques
Où des planches anatomiques passent...
               Tout en faisant la noce
               Et des sénats de ventriloques
               Dansons la farandole
               Louis n'a qu'une parole

Et puis comment veut-on que je précise
Dès que j'ouvre l'oeil tout me terrorise.
        Moi j'ai que l'extase, l'extase

Tiens, qui fait ce vacarme ?...
Ah! ciel le beau gendarme
Qui entr' par la lucane.
Taïaut! taïaut!
À l'échafaud!
Et puis on lui a guillotiné son cou,
Et ça n'a pas semblé l'affecter beaucoup
            (de ce que ça n'ait pas plus affecté sa fille)
Mais son ami Louis ça lui a fait tant de peine
Qu'il s'a du pont des Arts jeté à la Seine
Mais un grand chien terr' neuve
L'a retiré du fleuve

Or justement passait par là
La marquise de Tralala,
Qui lui a offert sa main
D'un air républicain.

Jules Laforgue

1ère publication:
Poésies Complètes (Le Livre de Poche) 1970

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