Oui, j'aime à promener ma belle âme allemandeCe qu’aime, le gros Fritz
À travers l'Esthétique et les brouillards d’Hegel;
Un nuage en Bouteille est tout ce que demande
L'âme éprise de vague et d'immatériel.La nuit, quand s’ouvre en moi la fleur des rêveries,
De ma blonde Gretchen, oh! j'aime bien encor
À contempler les yeux de pervenches fleuries,
Oh! j’aime à caresser les belles tresses d'or.J’aime à charmer aussi mon ouïe allemande
Quand l’orgue de Cologne, aux gothiques accents,
Eveille dans mon cœur quelque vieille légende
Où passent des Willis dans des rayons flottants.Mais surtout, au tic-tac des pendules de France,
Le soir, j'aime, repu de choucroute au gratin,
Voir, en fumant ma pipe à fourneau de faïence,
Mousser la bière ambrée aux bords des brocs d'étain.
Jules Laforgue
1ère publication:
La Guèpe (Toulouse) le 11 septembre 1879