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Complainte des crépuscules célibataires
C'est l'existence des passants...
Oh! tant d'histoires personnelles!...
Qu'amèrement intéressant
De se navrer de leur kyrielle!

Ils s'en vont flairés d'obscurs chiens,
Ou portent des paquets, ou flânent...
Ah! sont-ils assez quotidiens,
Tueurs de temps et monomanes,

Et lorgneurs d'or comme de strass
Aux quotidiennes devantures!...
La vitrine allume son gaz,
Toujours de nouvelles figures...

Oh! que tout m'est accidentel!
Oh! j'ai-t-y l'âme perpétuelle!...
Hélas, dans ce cas, rien de tel
Que de pleurer une infidèle!...

Mais qu'ai-je donc laissé là-bas,
Rien. Eh! voilà mon grand reproche!
Ô culte d'un Dieu qui n'est pas
Quand feras-tu taire tes cloches !...

Je vague depuis le matin,
En proie à des loisirs coupables,
Épiant quelque grand destin
Dans l'œil de mes douces semblables...

Oh! rien qu'un lâche point d'arrêt
Dans mon destin qui se dévide!...
Un amour pour moi tout exprès
En un chez nous de chrysalide!...

Un simple cœur, et des regards
Purs de tout esprit de conquête,
Je suis si exténué d'art!
Me répéter, oh! mal de tête!...

Va, et les gouttières de l'ennui!
Ça goutte, goutte sur ma nuque...
Ça claque, claque à petit bruit...
Oh! ça claquera jusque... jusque?...

Jules Laforgue

1ère publication:
L'Art moderne  9 octobre 1887

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