Petites misères d'octobre  

Octobre m'a toujours fiché dans la détresse;
Les Usines, cent goulots fumant vers les ciels....
                        Les poulardes s'engraissent
                                   Pour Noël.

Oh ! qu'alors, tout bramant vers d'albes atavismes,
Je fonds mille Icebergs vers les septentrions
                         D'effarants mysticismes
                                    Des Sions !....

Car les seins distingués se font toujours plus rares;
Le légitime est tout, mais à qui bon ma cour ?
                         De qui bénir mes Lares
                                    Pour toujours ?

Je ferai mes oraisons aux Premières Neiges;
Et je crierai au Vent : « Et toi aussi, forçat ! »
                         Et rien ne vous allège
                                   Comme ça.

(Avec la Neige, tombe une miséricorde
D'agonie ; on a vu des gens aux cœurs de cuir
                        Et méritant la corde
                                   S'en languir.)

Mais vrai, s'écarteler les lobes, jeu de dupe....
Rien, partout, des saisons et des arts et des dieux,
                       Ne vaut deux sous de jupe,
                                   Deux sous d'yeux.

Donc, petite, deux sous de jupe en œillet tiède,
Et deux sous de regards, et tout ce qui s'ensuit....
                       Car il n'est qu'un remède
                                   A l'ennui.

Jules Laforgue

October's Little Miseries

1ère publication:
La Revue Indépendante  avril 1888