Auteur: Bovita
Date: 12/06/2001 19:51
Voilà un corrigé trouvé sur le net:
I - LA FICHE SIGNALETIQUE
Le choix du texte est sans surprise particulière : un sonnet écrit
par un poète du XIXème siècle. Les questions sont, elles, très
simples : la première demande juste un peu d'esprit d'analyse ;
la deuxième demande que le candidat sache repérer des figures
de style courantes, ce qui normalement a été fait tout au long
de l'année.
II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR
Le texte n'est cependant pas très simple, puisqu'il utilise un
vocabulaire abstrait ("remords", innocence",
"amour", "le pourquoi des choses de la
terre") et fait référence à une sorte de moment métaphysique,
le poète s'interrogeant en effet sur le sens de sa propre vie.
Même ceux qui ne connaissent pas Laforgue connaissent sans
doute des poèmes de Baudelaire ou de Nerval dont l'atmosphère
est proche.
III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET
A) QUESTIONS
1 - "Je tords mon cœur pour qu'il s'égoutte en rimes
d'or"
Le vers 4 compare le cœur à une étoffe humide que l'on tord
pour extraire le liquide dont il est imprégné. Les rimes (métonymie
pour les vers) sont comparées à un liquide. Ce qui revient à
comparer les vers au sang du poète.
Le complément "d'or" est intéressant car l'or est
une matière solide. Cela revient à comparer le poète à un
orfèvre qui travaille ses vers comme des joyaux.
La comparaison est d'autant plus pertinente que les mots et la
forme du vers fixent l'expérience humaine, les sentiments, qui
sont par nature changeants, mobiles comme des fluides.
2 - Différentes oppositions parcourent ce sonnet :
La première oppose le "on" du v. 1, qui désigne
l'humanité, au "je" du v. 4.
A travers l'antinomie sommeil/veille. Cette opposition est
enrichie et justifiée par celle entre les "rêves" v.
2 et les "remords" v. 3, donc entre le bonheur des
hommes et la souffrance du "je" poète.
La deuxième oppose l'enfance et le présent de l'énonciation :
"j'étais simple et pur, et doux, croyant encor" et
"mes vieux remords" puis "le pourquoi des
choses". Deux notations sonores appuient cette opposition :
"un air bête", un "menuet, toujours plus
gai" et "le roulement impur d'un vieux fiacre". Là
encore il s'agit d'une opposition entre plaisir et douleur,
entre bonheur et malheur.
Cette même opposition trouve sa justification dans un élément
autobiographique : la perte de la foi. Dans sa jeunesse le
"je" est présenté comme "croyant, encor".
Dans le présent de l'énonciation il n'est plus guidé par la
foi, il est "perdu dans le pourquoi des choses."
B) COMMENTAIRE
On pourra attendre différents plans sur un tel sonnet :
Celui que beaucoup pourront avoir choisi consiste à étudier
d'abord les circonstances qui évoquent un moment de création
poétique, puis la remontée du souvenir, enfin la réflexion
sur le sens de la vie qui appelle le poème.
Première partie :
Le sonnet porte un titre "Veillée d'avril". C'est
sans doute une date qui donne au poème une dimension
autobiographique. Mais cela évoque aussi le printemps, qui
appelle des images de renouveau, de bonheur. L'attente du
lecteur va donc être déçue.
L'heure "minuit" est propice à la réflexion "je
tords mon cœur", et à la méditation sur des questions
essentielles : "le pourquoi des choses".
Le lieu, une table de travail sur laquelle le je est
"accoudé", où il a "posé sa plume" donne
les quelques éléments d'un tableau, d'inspiration romantique,
qui représenterait un poète, à sa table, perdu dans ses pensées,
presque souffrant. Un bruit venu de l'extérieur complète le
tableau par une notation sonore, métaphore de la douleur du
"je" : "Le roulement impur d'un vieux
fiacre". Le cliché de l'heure est souligné par le caractère
prosaïque et banal du premier vers, et la répétition du mot
"minuit". C'est du langage courant. On fera la même
remarque pour "et j'ai posé ma plume" ainsi que la répétition
de la conjonction "et".
Deuxième partie :
On montrera comment ce moment est propice à la remontée de
souvenirs heureux et empreints de nostalgie. Il s'agit d'abord
du "menuet" avec lequel Laforgue semble prendre ses
distances puisqu'il le qualifie ironiquement de
"niais". La jeunesse est caractérisée par une série
de trois adjectifs "simple et pur, et doux", ces
adjectifs sont eux aussi empreints d'une ironie amère, et les
accents du v. 8 (5/1//2/4) lui donnent un rythme un peu boiteux.
L'apostrophe "O menuet" est emphatique et contraste
avec le vers qui suit. L'évocation de la jeunesse heureuse est
pour ainsi dire contaminée par l'amertume du présent. Le fait
que le "menuet" se lève "sans bruit" est au
premier abord paradoxal. Cependant, c'est aussi une manière
d'insister sur la perte du bonheur et sur l'impuissance du
"je" qui rêverait de revivre le bonheur du passé.
L'impuissance ne laisse place qu'à la réflexion métaphysique,
au doute "le pourquoi des choses". L'alexandrin rythmé
(2/4//2/4) est un beau tétramètre qui souligne cette envolée
vers la méditation. L'opposition entre le "pur" qui
qualifie le bonheur de l'enfance et "l'impur" du présent
de la création reflète le travail de création. En effet, la
forme du sonnet, ici parfaitement classique, représente un idéal
de perfection formelle, de même que le "menuet".
Comme si le passage à l'écriture, la recherche des "rimes
d'or" qui rime avec "accord", c'est-à-dire
l'harmonie, permettait à la douleur du poète de se sublimer.
IV - LES FAUSSES PISTES
Ce sonnet ne comportait aucune difficulté de compréhension
majeure.
On pardonnera aux élèves qui n'auront pas compris l'évocation
de la foi perdue.
Il fallait surtout ne pas oublier qu'il s'agissait d'un sonnet.
Il fallait donc être sensible aux images, aux rimes, aux mètres.
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