Complainte des noces de Pierrot
Où te flatter pour boire dieu, Ma provisoire corybante ? Je sauce mon âme en tes yeux, Je ceins ta beauté pénitente, Où donc vis-tu ? Moi si pieux, Que tu m'es lente, lente ! Tes cils m'insinuent : c'en est trop ; Et leurs calices vont se clore, Sans me jeter leur dernier mot, Et refouler mes métaphores, De leur petit air comme il faut ? Isis, levez le store ! Car cette fois, c'est pour de bon ; Trop d' avrils, quittant la partie Devant des charmes moribonds, J'ai bâclé notre eucharistie Sous les trépieds où ne répond Qu'une aveugle pythie ! Ton tabernacle est dévasté ? Sois sage, distraite égoïste ! D'ailleurs, suppôt d'éternité, Le spleen de tout ce qui n'existe Veut qu' en ce blanc matin d'été, Je sois ton exorciste ! Ainsi, fustigeons ces airs plats Et ces dolentes pantomimes Couvrant d'avance du vieux glas Mes toscins à l'hostie ultime ! Ah ! Tu me comprends, n'est-ce pas, Toi, ma moins pauvre rime ? Introïbo, voici l'Époux ! Hallali ! Songe au pôle, aspire ; Je t'achèterai des bijoux, Garde-moi ton ut de martyre... Quoi ! Bébé bercé, c'est donc tout ? Tu n'as plus rien à dire ? -Mon dieu, mon dieu ! Je n'ai rien eu, J'en suis encore aux poncifs thèmes ! Son teint me redevient connu, Et, sur son front tout au baptême, Aube déjà l'air ingénu ! L'air vrai ! L'air non mortel quand même ! Ce qui fait que je l'aime, Et qu'elle est même, vraiment, La chapelle rose Où parfois j'expose Le saint-sacrement De mon humeur du moment. Jules Laforgue