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Complainte à Notre Dame des soirs

L'extase du soleil, peuh ! La Nature, fade
Usine de sève aux lymphatiques parfums.
Mais les lacs éperdus des longs couchants défunts
Dorlotent mon voilier dans leurs plus riches rades,
                Comme un ange malade...
                Ô Notre-Dame des Soirs,
                Que je vous aime sans espoir !

Lampes des mers ! blancs bizarrants ! mots à vertiges !
Axiomes in articulo mortis déduits !
Ciels vrais ! Lune aux échos dont communient les puits !
Yeux des portraits ! Soleil qui, saignant son quadrige,
               Cabré, s'y crucifige !
               Ô Notre-Dame des Soirs,
               Certes, ils vont haut vos encensoirs !

Eux sucent des plis dont le frou-frou les suffoque ;
Pour un regard, ils battraient du front les pavés ;
Puis s'affligent sur maint sein creux, mal abreuvés ;
Puis retournent à ces vendanges sexciproques.
                Et moi, moi, je m'en moque !
                Oui, Notre-Dame des Soirs,
                J'en fais, paraît-il, peine à voir.

En voyage, sur les fugitives prairies,
Vous me fuyez ; ou du ciel des eaux m'invitez ;
Ou m'agacez au tournant d'une vérité ;
Or vous ai-je encor dit votre fait, je vous prie ?
                Ah ! Coquette Marie,
                Ah ! Notre-Dame des Soirs,
                C'est trop pour vos seuls reposoirs !

Vos Rites, jalonnés de sales bibliothèques,
Ont voûté mes vingt ans, m'ont tari de chers goûts.
Verrai-je l'oasis fondant au rendez-vous,
Où... vos lèvres (dit-on ! ) à jamais nous dissèquent ?
                Ô Lune sur la Mecque !
                Notre-Dame, Notre-Dame des Soirs,
                De vrais yeux m'ont dit : au revoir !

Jules Laforgue

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