Complainte propiatoire à l'inconscient

Ô loi, qui êtes parce que vous êtes,
Que votre nom soit la retraite !
-Elles ! ramper vers elles d'adoration ?
Ou que sur leur misère humaine je me vautre ?
Elle m'aime, infiniment ! Non, d'occasion !
Si non moi, ce serait infiniment un autre !
Que votre inconsciente Volonté
Soit faite dans l'Éternité !
-Dans l'orgue qui par déchirements se châtie.
Croupir, des étés, sous les vitraux, en langueur;
Mourir d'un attouchement de l'Eucharistie,
S'entrer un crucifix maigre et nu dans le coeur ?
Que de votre communion nous vienne
Notre sagesse quotidienne !
-Ô croisés de mon sang ! Transporter les cités !
Bénir la Pâque universelle, sans salaires !
Mourir sur la Montagne, et que l'Humanité,
Aux âges d'or sans fin, me porte en scapulaires !
Pardonnez-nous nos offenses, nos cris,
Comme étant d'à jamais écrits !
-Crucifier l'infini dans des toiles comme
Un mouchoir, et qu'on dise: « Oh ! L'idéal s'est tu ! »
Formuler tout ! En fugues sans fin dire l'Homme !
Être l'âme des arts à zones que veux-tu !
Non, rien ; délivrez-nous de la pensée,
Lèpre originelle, ivresse insensée,

  Radeau du mal et de l'exil;
                  Ainsi soit-il.

Jules Laforgue